Sortie de quarantaine à Santiago

Je vous avais raconté comment se passait la quarantaine à Santiago et depuis la publication de mon texte nous sommes (heureusement) sortis de quarantaine. Mais cela n’a pas été aisé.

Le lundi 17 août, le premier pas vers la liberté est effectué. À deux jours près on fêtait nos 5 mois enfermés ! Quel dommage..

Mais comment fonctionne le déconfinement au Chili ?

Le gouvernement chilien a mis en place un plan « pas à pas » constitué de 5 étapes.

Étape 1 : La quarantaine.

Interdiction de sortir de chez soi à moins de demander un permis spécial qui autorise à sortir uniquement deux fois par semaine et ce pour une durée limitée, quelle qu’en soit la raison (course, visite médicale, promener le chien, etc.). Ces mesures sont plus strictes que dans mon précédent article sur la quarantaine : le gouvernement a sévi et grandement limité les sorties. Seuls les commerces dits de « premières nécessités » sont ouverts.

Étape 2 : La transition.

Liberté conditionnelle du lundi au vendredi. Possibilité de sortir quand on veut pour la durée de notre choix, mais interdiction d’aller dans des communes en quarantaine. Il est possible de retourner travailler tant que l’on travaille/vit dans une commune qui n’est pas en quarantaine. Le week-end c’est retour en quarantaine stricte et pour sortir il faut demander une autorisation. Les restaurants demeurent fermés de même que les musées, les théâtres et gymnases.

Étape 3 : La préparation.

C’est la liberté du lundi au dimanche ! Les bars et restaurants peuvent ouvrir uniquement dans des espaces ouverts comme les terrasses ou patios. Certains musées commencent à rouvrir leurs portes après avoir adapté la muséographie aux normes sanitaires en vigueur. Les parcs rouvrent également et le week-end ils sont pris d’assaut par les familles et les sportifs.

Étape 4 : Ouverture initiale.

Toutes les boutiques peuvent ouvrir, les restaurants peuvent accueillir jusqu'à 50% de leur capacité maximale de clients avec une distance de 2m entre tables, les lieux de culte peuvent ouvrir (avec limitations), les personnes âgées sont également autorisées à sortir n’importe quel jour de la semaine, possibilité de faire des réunions de 50 personnes en espaces clos.

Étape 5 : Ouverture avancée.

Tout fonctionne presque normalement. Des restrictions existent encore pour limiter le nombre de personnes dans les lieux fermés, par exemple les restaurants peuvent accueillir jusqu’à 75% de leurs capacités. Les boites de nuit et salles de sport rouvrent.

La grande nouveauté de ces étapes est la possibilité de voyager entre communes en étapes 3-4-5, même hors de la région. Autrement dit il est possible d’aller de Santiago à une ville lointaine qui se trouve en étape 3, 4 ou 5 ce qui est une nette amélioration.

Pour voyager il faut néanmoins demander une autorisation des carabiniers (qui s’obtient via internet comme les autorisations en quarantaine). Il faut renseigner les adresses de résidence de départ et d’arrivée. Il faut également se munir d'un « passeport sanitaire », il s’agit d’un formulaire qui se complète sur internet et qui atteste de l’absence de symptômes liés à la Covid-19 ou que l’on n’a pas été en contact avec une personne malade. Ces deux documents sont nécessaires pour prendre des transports interrégionaux.

Chaque commune passe d’une étape à l’autre en fonction du pourcentage de personnes testées et détectées positives au Covid-19 ainsi qu’à l’espace disponible dans les hôpitaux. La « traçabilité » des personnes est également un prérequis afin de savoir en cas de contagion qui se trouvait dans un espace clos afin de mettre les personnes concernées en quarantaine préventive avant qu’il y ait une nouvelle propagation.

Les communes restent environ un mois à chaque étape puis, si les habitants se portent bien, ils évoluent. Toutefois il est tout à fait possible de rétrocéder à quarantaine. Par exemple en Patagonie, l’extrême sud du pays, les communes étaient arrivées à l’étape 4 lorsqu’une seconde vague les a atteints. Vague provoquée par l’arrivée massive de mineurs venant du nord du pays pour travailler. Étrangement les mines n’ont pas été en quarantaine et étant donné que les travailleurs font des roulements d’environ deux semaines, toutes les deux semaines arrive une nouvelle vague potentiellement contaminée (les mineurs retournent ensuite auprès de leurs familles qui peuvent se trouver n’importe où dans le pays). Plusieurs mois plus tard, la situation est toujours aussi complexe, les hôpitaux étant relativement petits ils sont vite dépassés et le nombre de cas ne diminue pas. La quarantaine dans cette région est même devenue encore plus stricte : il n’est possible de sortir qu’une seule fois par semaine, peu importe la raison et le masque est même obligatoire à l’intérieur des maisons ! Mais il s’agit d’un cas particulier et non d’une généralité.

Sans importer l’étape dans laquelle se trouve la commune, le couvre-feu est à respecter (23h-5h). Le port du masque est obligatoire dès que l’on sort et lorsqu’on prend les transports en commun. Respecter la distance sociale est également obligatoire, bien que difficilement respecté dans la rue lorsqu’elle fourmille de monde.

À l’entrée de chaque magasin (sauf pour les microcommerçants) un employé prend la température des clients qui entrent et offre du gel hydroalcoolique. Les grandes surfaces proposent également des tapis pour désinfecter les semelles ainsi que des lingettes pour désinfecter les chariots.

Les applications et autres « delivery » avec des livraisons à domicile préfèrent l’option « laisser sur le pas de la porte » pour éviter tout contact. Ce qui demande d’être attentif à ses livraisons…

Des barrages sanitaires existent pour empêcher toute personne d’entrer ou de sortir d’une commune en quarantaine à moins d’avoir les autorisations nécessaires. Ce qui s’avère compliqué lorsque les villes en quarantaine se trouvent sur LA route reliant le nord du pays au sud.

Pour vous aider à comprendre, le Chili est un pays très fin et long. La route Australe est l’unique route permettant de traverser le pays d’un bout à l’autre, il n’y a pas d’alternative à cette « autoroute ». Si bien que si la route traverse une ville en quarantaine il est impossible de continuer son périple…

Et pour les malins qui proposent de prendre l’avion, les aéroports se trouvent majoritairement dans des communes en quarantaine, donc le problème demeure le même… Les destinations où l’on peut voyager sont minimes et pour couronner le tout, les parcs nationaux et autres réserves n’ont pas été rouverts alors qu’il s’agit des points les plus attractifs du Chili.

Sur le plan professionnel, les entreprises se réactivent, dès que les communes sortent de quarantaine il est possible d’ouvrir et d’aller travailler d’un endroit à l’autre sans autorisation particulière. Des petites annonces apparaissent pour faire de la vente dans des boutiques ou servir dans des restaurants, mais les postes sont rapidement comblés, de même dans l’architecture (mon domaine). Les annonces demeurent très peu nombreuses et le nombre de candidats est affolant. Beaucoup de personnes se sont retrouvées au chômage avec la crise et sont prêtes à tout pour travailler, y compris à diminuer leurs prétentions économiques.

Pour ces différentes raisons avec Mike nous avons décidé de quitter le Chili, la situation s’éternisant et ne nous permettant pas d’accomplir nos projets. Direction le Mexique où la quarantaine est flexible et au cas où le travail ne nous sourit pas nous aurons tout de même la possibilité de voyager d’une région à l’autre.

-Merly

PS : Si vous voulez connaitre les zones en quarantaines au Chili, >> voici << une petite carte du pays avec des couleurs pour savoir où il est possible de se rendre.

PS2 : A partir du jeudi 10 décembre 2020, la commune où je vivais à Santiago et qui était à l’étape 4 va rétrocéder à l’étape 2… Une liberté de courte durée.